Ambivalence

Un mot, juste un pour décrire ce qu’on ressent quand on a porté et mit au monde un mystère. Parce que la vie est un mystère. Et il se niche ici, dans cette enveloppe fragile et rose ; Dans cet être neuf qui teste l’existence à travers un brouillard de sensations. Mais comment répondre à ces milliers d’attentes sans noms ? La compréhension, l’amour, n’est pas une science infuse et ne le sera jamais…Un squelette entier brisé de fatigue, le cerveau  usé d’être constamment dans l’anticipation des besoins de cet autre. Comment croire que la réussite de tout ça ne tienne qu’au bout des bras anémiques de l’instinct ? Comment te comprendre mon amour, mon tourment ? J’ai tellement souhaité ta venue et aujourd’hui… Cette nuit… Mes entrailles se consument de regrets, de colère contenue. Mes oreilles me font mal sous tes cris ; mon estomac se retourne, indigestion d’impuissance. Pourtant il y a aussi ces moments que tu me donnes avec parcimonie. Ces instants où ton sourire distribue des étoiles d’or ; ces minutes d’éternité où je me nourris de ton visage lisse, prisonnier du sommeil. Et tes regards où dansent les feux follets quand tu découvres les modulations chantantes de ta voix. Comme un rossignol amoureux de son aubade…Mais maintenant, en cet instant, ta voix est une lance qui me vrille les tympans. Et je ne sais plus. Peut-être n’ai-je même jamais su… J’ai fait tout ce qu’on apprend à faire, utilisé d’autres recettes de mon cru, et toujours…Tu cries. Pas de larmes ici, pas de sanglots. Juste ces hurlements furieux de dictateur déchu. Ces cris, scies égoïnes qui me déchirent les nerfs. Toi, comme un animal en passe de devenir humain et moi, trop cérébrale pour comprendre ta rage encore primale. Je voudrais disparaître comme ça, m’évaporer ! Et je voudrais m’enfuir ventre à terre jusqu’à cet endroit où je n’entendrais plus ta fureur. L’horizon peut-être. Mais non. On ne doit pas, il ne faut pas. Une mère doit l’être jusqu’au bout. Il faut rester, trouver le remède à tous ces maux sans noms, sans raisons…Et surtout, ne pas en vouloir à ce petit être si bruyant de ne pas être parfait. Ne pas être aussi beau, aussi calme que ce que l’on attendait. L’enfant rêvé. Qu’est-il devenu quand celui-ci est né ? Demeure-t-il comme un regret dans un coin de mon esprit ? Ou bien les défauts du nouveau-né ont-ils chassés le rêve d’un hurlement bestial ? Il vit encore en moi. Et il poursuivra son existence en même temps que l’enfant réel. Il grandira sans jamais me décevoir puisque c’est là la tâche de celui qui crie et respire. Deux routes parallèles qui se croiseront parfois au hasard des aspérités de la vie. Moment de grâce où une victoire insignifiante s’auréole de gloire aux yeux d’une mère. Malgré tout, je sais déjà que tout mon amour ira à l’enfant réel ; celui qui me ressemble dans son imperfection. Celui qui aura encore et toujours besoin de moi. Car en vieillissant je sais aussi que je regretterais ces instants où il ne vivait que par moi. Comme maintenant, en cette minute, où ses hurlements m’appellent aussi fort qu’ils me torturent… Je le sais car pour l’heure, je ne vis que par ses cris…Et ses sourires.



31/03/2008
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