Bestiole

Je sais, je suis ta chose… Mais je voudrais être une bestiole. Ça n’a l’air de rien comme ça mais j’y pense souvent. Pas seulement la chatte ou la panthère qu’on voudrait toutes être, non.

L’araignée hideuse aussi, comme celle que tu tritures pour me faire peur. Celle qui tisse son quotidien en silence, qui regarde l’univers de son coin de plafond huit fois plus stoïquement que nous.  Celle qui se nourrit de poussière parfois, et qui sait s’en contenter. Je pourrais te dissoudre le cœur d’une étreinte et me repaître de toi dans une longue extase statique. N’attendant rien de toi que cette vie qui palpite sans raison. Me nourrir d’elle et abandonner ton enveloppe sans regret…Pas d’états d’âme, pas de remords entre nous. Pas de faux semblants ou de vraie culpabilité, juste transférer une vie dans une autre. Vases communicants sans communication aucune. Tellement plus simple, tellement plus pur. Sentiment lisse d’innocence après un crime nécessaire à la survie…

 

Ou bien lisse et froide comme les lignes du serpent. Mais un venimeux, à tout prendre. Etre une vipère, oui. Cornue, aspic, peu importe mais venimeuse. Juste le temps pour moi de te laisser penser que tu peux me manipuler à ta guise ; te laisser faire glisser mon corps entre tes doigts fascinés. Te regarder quand tu cherches à reconnaître mon espèce, ce que je cache. Et enrouler mes écailles autour de tes poignets, caresse glacée et emprise délétère. Juste avant de planter mes crocs dans ta chair pour apercevoir l’expression de panique mêlée de stupeur de ton visage. Et cette bousculade de gestes pour me rejeter au loin. Délicieux chaos témoignant de ta peur. Ton cœur battrait encore plus fort alors que je disparaîtrais entre les épaisseurs des feuillages. Mon souvenir gravé en toi comme cette douleur, deviendrait l’emblème de ta phobie… Après m’avoir vue, tu m’aurais prise, je t’aurais blessé, tu m’aurais rejetée mais tu ne pourrais plus m’oublier. Est-ce là un souvenir d’amour ou juste un incident reptilien ?

 

Je me sens tellement animale par instants, que je me jette au sol sans remords. Quand ta carapace d’être civilisé a bâillonné ton instinct ; quand des considérations abstraites t’éloignent des palpitations de mon corps… Je pourrais me rouler à tes pieds, feuler et onduler, rien ne te ramène au cœur de tes racines animales. Dans ces moments peut-être, je pourrais regretter de ne pouvoir t’emprisonner entre mes griffes. Être plus forte que toi, mordre ta nuque, déchirer ta peau, respirer ta peur… Te punir de ne pas me regarder. Te dévorer purement et simplement, aussi avidement que je t’aime.

 

Animal amoureux qui ne connaîtrait pas la haine ou la rancune. Juste la nécessité de l’instant. Sans cruauté, sans barbarie ni perversion. Une bestialité pure, une sauvagerie innocente. Et cette fidélité épisodique qui ne serait liée qu’au moment présent. Par la force des choses et du renouvellement de l’espèce. Sans préjugés ni règles établies par d’autres… Libre.



31/03/2008
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