Elle

Elle, elle marche pieds nus dans le jardin. Et nous trottons au devant et à côté… Les plis soyeux de sa longue robe pourpre nous envoient ses effluves de femme. Son  parfum, ses odeurs intimes qui l’identifient entre tous ses semblables. Et pendant que mes compagnons courent et jouent aux quatre coins de ce sanctuaire de verdure, je reste fébrile, dans son sillage à elle. Frôlant ses chevilles, caressant subrepticement ses mollets de ma queue ondulante. Et guettant ses regards et ses mains, toujours avide de ses caresses. Je suis la dernière venue ici, parmi ses autres animaux. Je me suis invitée dans son décor au détour d’une grille entrouverte… Et son regard amusé m’a accueillie sans autre effusion. Un regard qui caresse et une main qui se tend vers mon abandon… Je n’ai pas pu… Puis une coupelle de lait sur le rebord de sa fenêtre. Un peu de nourriture un autre soir. Un peu plus de sa présence derrière la fenêtre chaque jour. Un peu plus d’elle dans l’air que je respire. Un peu moins de méfiance quand son ombre croise la mienne sur le perron. Un peu plus de jazz félin dans ma tête quand elle m’invite de loin de son timbre bienveillant. Un peu trop d’envie d’attraper ces jouets qu’elle lance à ceux qui l’accompagnent, avec ce rire... Son  rire à elle. Et mes entrailles qui répondent de loin à chaque invitation…

Un après-midi d’été, j’ai pu. De derrière un rosier  je l’ai vue s’étendre sur l’herbe, un livre à la main. Le grand chien qui dormait à l’ombre ne l’a pas rejoint et j’avais vue la vieille chatte quitter le jardin quelques minutes plus tôt. C’était l’instant. Je sentais son odeur de pain chaud m’appeler silencieusement. Quatre pattes noires ont pianoté lentement dans la folle végétation jusqu’à la chevelure qui s’y étalait, au bord du sommeil. J’ai respiré de près une mèche sombre, pour graver ce moment dans chaque fibre de mon être. Pour que cette signature ne soit que la sienne dans ma mémoire de bête. Puis j’ai avancé encore sans qu’elle ne perçoive ma présence. Et j’ai pu sentir sa peau claire, juste au dessus de ses yeux mi-clos. Je guettais ses mains, impatiente de goûter aux caresses que je l’avais vu donner à ses compagnons. Un tressaillement infime de ses cils m’averti, elle venait de s’apercevoir de ma présence toute proche. Elle eût un soupir amusé je crois. Et elle tourna son visage vers moi en murmurant : « Je savais bien que tu viendrais… ». En cet instant, alors que sa voix envahissait mes oreilles et mes entrailles, mes ronronnements se firent plus intenses que jamais et je ne pus m’empêcher de venir frotter ma tête anguleuse sur la sienne, toute en rondeurs… Plus tard, je goûtais, extatique, à ses mains vagabondes, à la chaleur de son ventre, à ses baiser parfumés…

M’enchaînant par le cœur à cette femme,

Irrémédiablement,

Volontairement,

Sans regrets…

 

Laisse ta porte entrouverte, un  soir j’oserais peut-être…



31/03/2008
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