Opération Commando

Opération commando

 

 

 

24 décembre, 23 heures 52. Début de l’opération commando. Nous pénétrons dans la chambre des deux jeunes cibles. Le silence ambiant nous confirme que les 11 contes de Noël ont eu raison de leur excitation. Ils sont plongés dans un sommeil profond. Nous quittons silencieusement la pièce, nos regards sont aussi inquiets que complices mais ils ne se croisent que pour une fraction de seconde ; il ne faut guère nous attarder, notre mission ne fait que commencer…

Je prends soin d’accrocher une paire de grelots à la poignée de la porte de la chambre des cibles. Le faire sans que les globes dorés ne tintent n’est pas une mince affaire. Cela me prends bien une minute trente. Je parviens néanmoins à installer ce dispositif en retenant mon souffle. C’est un mal nécessaire, en effet, une des cibles étant quotidiennement somnambule, je dois m’assurer de l’entendre arriver le cas échéant. Les grelots sont posés, ils brillent légèrement dans l’obscurité relative du couloir. D’où je suis-je peux entendre la porte du placard de la chambre du fond grincer ; Mon compagnon est en train de sortir le matériel de sa cache. Je le rejoins à pas feutrés, maudissant le vieux parquet qui trahit chacun de mes déplacements. Dans la chambre, je ramasse un gros paquet emballé de rouge pour le mettre sous mon bras et me saisit d’un grand sac plastique débordant de bolduc scintillant et bouclé. Face à la porte, j’hésite, passera ? Passera pas ? Je me contorsionne et finalement, mon chargement et moi sommes hors de la pièce. Je suis suivie de près par mon complice qui porte un énorme lion en peluche sur l’épaule en plus des sacs qui occupent ses deux mains. C’est le baroudeur des grands magasins qui revient de la chasse.

En passant devant la porte de la chambre des deux cibles, nos pas et nos gestes se ralentissent imperceptiblement. Ne pas les réveiller maintenant, non, ce serait trop bête… Mais nous arrivons vite devant le grand arbre électroluminescent où nous déposons notre fardeau ; en échangeant quelques chuchotements nerveux et excités, nous agençons les paquets au cordeau, tout doit être parfait !

Ceci fait, nous nous plantons devant le mont cubique et bigarré l’air satisfait. Un dernier débat d’idée à propos de la place du lion et je ramasse les sacs plastiques, un sourire distrait aux lèvres. Mon compagnon se charge d’engloutir les gâteaux et le verre de lait laissé près du sapin ; il va même jusqu’à croquer plusieurs fois dans la carotte destinée aux rennes. Je l’aime… Nous tournons les talons, destination : notre lit. Nous ne tardons pas à nous endormir, conscients que la deuxième partie de cette mission s’accomplira au réveil le lendemain matin. Et que ce réveil ne sera pas tardif. Donc, extinction rapide des feux et silence radio.

 

 

 

 

 

25 décembre, 6 heures 17 minutes. La troisième cible entre en scène et réveille d’un cri strident mon compagnon de dortoir. Je perçois vaguement cet appel mais mon cerveau embrumé refuse de se mettre en mode éveil. Je m’enfonce donc un peu plus sous la couette tiède en soupirant d’aise… Mon répit est de courte durée car à 6 heures 22 mon compagnon vient me réveiller, la troisième cible dans les bras ; Il sourit en me disant doucement : »Ma puce, pilou monte la garde devant les cadeaux depuis un moment apparemment, on va pas les faire attendre plus longtemps…Tu te lèves ? ». J’articule péniblement un oui et me coule hors du lit jusqu’à mon vieux peignoir. En marchant vers la cuisine, j’entends déjà les deux premières cibles trépignant devant le sapin. Les deux enfants retiennent difficilement de petits rires hystériques et le plus jeune des deux pousse des exclamations étouffées : »Regarde ! y a des gros paquets ! J’espère qu’il y en a pour moi des gros paquets ! ».Comme le colonel maman que je suis, j’entre dans le salon la tête en vrac et leurs regards se tournent vers moi, presque implorants. Ils attendent le top pour se jeter dans la mêlée. Je lâche un « allez-y » à peine audible et le combat commence instantanément. Le spectacle, s’il ne s’agissait là de papier doré et de rubans lamés, serait d’une barbarie incroyable. Ces deux petits animaux attrapent vivement les paquets, lisent fébrilement les étiquettes et s’éloignent un peu pour déchiqueter les emballages. Ces cadeaux si esthétiques que nous avions mis un temps fou à préparer…Pas un regard pour les si jolies étiquettes que j’ai choisie religieusement parmi les multitudes proposées en magasin. Pas une attention pour le choix d’illustration des dites étiquettes. Moi qui avais pris soin de ne mettre que des têtes de rennes rigolotes sur les paquets du plus jeune, sachant qu’il affectionnait ces animaux. Mais le temps n’est guère aux réflexions sur l’égoïsme bestial des enfants. Le but de cette mission n’était pas de révéler leur ingratitude somme toute naturelle…

La plus jeune des cibles, dans les bras de son père, n’arrive plus à boire son biberon tant l’excitation ambiante est palpable. Il s’agite comme un diable à ressort. Je lui donne donc son premier cadeau, le premier de sa vie, celui dont il ne se souviendra jamais. Le nourrisson, aidé par son père, s’agrippe au papier bleu qui fait un si joli bruit quand on l’arrache ; et dès qu’un morceau se détache, l’occasion est trop belle et le bébé goûte les étoiles bleues et le père noël rigolard qui s’y promène. Son père réagit aussitôt en lui ôtant noël de la bouche pour lui déballer rapidement la peluche fluorescente qui lui est destinée. Après une demi seconde d’hésitation, le bébé se jette sur la bestiole et la serre rageusement en mordillant toutes les extrémités. Mission accomplie pour cette cible là.

La cible numéro deux a attaqué le plus gros des paquets. Il n’a que six ans et la boite est presque aussi haute que lui. Il glisse une main entre deux feuillets d’emballage et arrache violemment le lamé d’or. Rapidement, presque hystérique, il jette un œil en espérant déjà deviner de quoi il s’agit. Non, il ne voit pas et continue d’arracher ; et soudain il s’exclame en serrant les dents : »ouiiii ! C’est roboraptor ! Ouiii regarde maman ! Je l’ai euuu ! ». Son frère peut à peine y croire car lui aussi avait espéré avoir le saurien cybernétique, sa mine en dit long sur sa crainte de ne pas l’avoir lui aussi. Mais il a dix ans, et ne croit plus au père noël. Mais il croit en l’amour de ses parents et en leur faculté à réussir à lui faire plaisir. Il est intéressant d’observer cette troisième cible quand il déballe ses cadeaux. Au fil des années, il garde toujours cette façon plutôt réfléchie de goûter au plaisir du matin de noël. Il est certes excité comme tout enfant peut l’être mais il reste méthodique. Il cherche son nom sur les paquets, les prends, les mets sur le côté et quand il est certains d’avoir tout ce qu’il lui est destiné, il s’assoit sur le sol et déballe. Plutôt calmement, on ne sait jamais, l’empressement pourrait lui faire commettre l’irréparable ! Casser un jouet le matin même de noël serait une hérésie pour lui. Même si je connais peu d’évènement de ce genre qui ne se règle à coup de super glue3… Donc Félix, la deuxième cible, est accroché à son raptor toujours emballé et part dans un délire verbal : »Il est trop gentil le père noël ! Même si j’ai pas été très sage il m’a amené ce que je voulais ! » etc, etc… Je coupe court à ce verbiage en lui disant posément qu’il me semble que d’autres cadeaux portent son nom. Et c’est sans lâcher le précieux robot toujours dans sa boîte qu’il retourne sous le sapin. Je vous passerais le descriptif du déballage des autres paquets car étant plutôt nombreux, j’aurais tôt fait de vous lasser. Je reviendrais uniquement sur LE paquet qui a réussi à briser le flegme de l’aîné. Le jeu pour pc de ses rêves avec incluse, l’extension « de folie » (je cite). Sur ce coup là, il n’a plus regretté le robot saurien et les jours suivants l’ont convaincu que le robot en question était selon ses termes : une grosse arnaque. J’ajouterais une arnaque à 80 euros ça faire cher et ça fait chier. Mais je m’égare !

Passé donc la frénésie du déballage, vient le moment des montages. Mon compagnon et moi sommes bien sûr mis à contribution quasiment toute la matinée et nous nous félicitons d’avoir pensé au stock de piles adaptées. Quel soulagement de ne pas avoir à aller faire la queue 45 minutes pour deux paquets de piles LR6 le lendemain de Noël !

Vers 13 heures 30, les cibles ont réintégrées leurs quartiers : les deux plus grands dans leurs chambres pour mettre leurs cadeaux à l’épreuve et le nourrisson cuvant son lait sous son mobile veilleuse télécommandé (nous, des amateurs de gadgets ?). En nous écroulant sur le canapé encore parsemé de morceaux de papiers d’emballage, mon compagnon et moi poussons un profond soupir avant de faire le point. Mais la fatigue aidant, le compte-rendu est vite fait ; Les enfants sont heureux, nous avons réussi. On s’en est sortis cette année encore, Mission accomplie.

 

Une nouvelle opération commando s’annonçait déjà : Le repas de famille. Nous aurions du être sur la route depuis une demi heure déjà, cela s’annonçait comme une mission périlleuse. Mais cela était une autre histoire…



31/03/2008
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