Le sommeil du juste

Il a des éclats de rire tempête,

Des sillons dans la voix,

D’anciennes blessures ponctuent l’histoire de son visage. Avare de mots pourtant, il démontre l’essentiel et s’endort sur le reste. N’importe où. Dans le train, sur un banc du parc, dans un fauteuil de salle d’attente. Il n’est éveillé au monde que pour me parler de moi. Aux autres, le masque gris d’une attention que l’ennui relativise. Présence mécanique, individu réflexe en pilote automatique sur des routes qu’une foule de fantômes bavards empruntent aussi. Le regard pointé vers moi, il les laisse s’agiter dans le vent. Sans mépris et sans haine. Sans lumière à la fenêtre, il sait me retrouver. C’est un couloir aérien où nos baisers sont en transit, où le sens du toucher est clairvoyance… Et alors qu’il s’avance, chevalier de lumière, l’amour en étendard… Je grince. Comme un cercueil vorace grand ouvert sur la vie. Vide. Avide. J’attends qu’il vienne me remplir, m’investir. Goûter au sommeil profond pour la dernière fois. Et du plus doux timbre des voix que je puisse prendre, je l’oblitère de mes appétits faméliques. Si je me prête au jeu de ses attentes, je ne me donne que pour le prendre, lui. Pour lui créer des addictions et des rêves accessibles. Je l’envahis de mes parfums, de mes secrets ; je trace des lignes, je dresse des frontières, des barbelés et ses nouveaux besoins comme des chiens de cirque dociles…Je teste parfois ses regards au cœur des multitudes, la panique que j’y lit me caresse la fierté.

Et quand au bout d’une autre nuit d’hypnose épidermique, il  souffle « je t’aime… », je pourrais dormir tranquille. Oui, je pourrais…



12/01/2009
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