Mon lit

Mon lit

 

 

La vie, c’est comme un grand lit. Ca n’a l’air de rien, dit comme ça, un petite phrase toute bête d’enfant de dix ans mais quand on y réfléchit (juste un peu, histoire de tuer le temps)…On naît dans un lit d’abord ; puis l’ordre de naissance donne droit aux lits à étages parfois ; on prend sa place dans la literie hiérarchique familiale en somme. On s’éclate dans d’autres lits que le sien plus tard ; puis il y  a aussi des lits de longue maladie pour certains. Pour finir dans un bon pieu satin-sapin où on dormira peinard, à n’en pas douter…

 

Toujours est-il que, personnellement, j’aime mon lit. Il me ressemble en fait… Avec ses creux, ses bosses, ses pointes de ressorts qui piquent les côtes. Ses draps froissés, plissés, humides à certaines heures de la nuit. Ses deux gros oreillers moelleux, lourds, étouffants comme le remord. Pourquoi deux oreillers d’abord ? Pour l’autre ? Celui qui dort dans mon lit ? Non… Même pas.

Deux coussins juste pour moi, pour caler ma nuque comme j’ai dû le faire un jour entre les seins de ma mère. La tête écrasée sur l’un pour m’endormir alors que je pose négligemment une main sur l’autre, juste pour m’assurer qu’il est bien là. Car si l’un des deux disparaît, glisse jusqu’au sol en douce, je me réveille, troublée, et tâtonne péniblement pour le retrouver, comme si séparés l’un de l’autre mes oreillers ne servaient plus à rien… Tiens, il faudrait que j’appelle mon père…

Et cette grosse couette épaisse, molle et si importante que je m’y accroche dans le noir, même quand je la repousse du pied. C’est si pratique, une couette. Quand on en a marre de sa parfaite blancheur synthétique, hop ! une jolie housse bigarrée ! Et c’est comme une nouvelle chaleur qui nous couvre et nous protège du froid des nuits de solitude. Plus la même allure pour cet objet devenu tellement banal. Un jour c’est bleu pastel, les petits oiseaux et les nuages, et le suivant c’est rouge carmin imprimé de calligraphes japonisants. Et ça ne râle pas une couette quand on veut la changer, c’est fidèle, ça tient toujours aussi chaud. Et puis quand elle est trop usée, trop fine, qu’elle gratte ou qu’elle répand sa mousse aux quatre coins du lit, on file à Carrouf’ et on positive : on en rachète une. Plus grande, plus belle, plus dense. On se fait plaisir car après tout, c’est important le sommeil. La couette que j’ai actuellement, je l’adore. Pourtant ça commence à faire un bail que je l’ai. Mais elle tient les promesses de son étiquette et c’est tout ce que j’attends d’elle…

Comme mon matelas d’ailleurs. Il parait qu’il faut en changer tous les dix ou quinze ans. Mais je n’y arrive pas. Il a prit l’empreinte de mon corps, il me connaît mieux que personne. L’empreinte de mes corps devrais-je dire ! Jeune femme, jeune mère, jeune divorcée puis re-femme, re-mère et depuis quelques années amante et femme tout court…Le lit tout entier est imprégné de mes changements, de mes souvenirs… Je l’ai mouillé de mes larmes sans en avoir honte. Mes enfants l’ont mouillé eux aussi une fois ou deux. Et mes amants sans doute également un peu… Si je le regardais du haut d’un perchoir sanitaire, j’aurais peut-être la nausée mais ce n’est pas le cas. Je lui ai confié tant de rêves, de secrets intimes que nous seuls partageons. J’ai pour mon lit une profonde tendresse. Je l’aime, je vous l’ai dit.



31/03/2008
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