Lettre à Elle
Lettre à Elle
Sous ma peau de papier kraft, une lettre attend.
Jamais scellée, jamais ouverte, mon enveloppe patiente.
Le contenu importe peu, c’est un sale brouillon
Presque illisible.
Nuée de questions mortes, de raisons fades…
Souvenirs acides, regrets difformes.
Tout est là en paquets ;
En ratures noires et blanches,
Bleuies par le temps aveugle qui passe,
Sans me voir.
Un jour pourtant,
Un jour peut-être,
Je posterai cette lettre.
Je te l’enverrai à toi.
Toi qui, en ne m’aimant pas, en m’aimant mal,
M’a donné le trait noir de ma personnalité profonde.
Ces mots nés des maux.
Ce besoin de me raconter pour me comprendre…
Seule, puisque tu ne me répondais pas.
Ou dans cette langue de violence que je ne comprenais pas.
Toi qui en voulait à ta vie de ne pas être à la hauteur.
Toi qui m’en voulais d’avoir grandis en secret,
En toi.
Je t’ai volé un peu de ce qui me fait avancer maintenant,
Un peu de liberté,
Un supplément de vie tenace, entêtée, enragée.
Le feu a couvé la glace sans le savoir,
Le conflit était là avant même d’être né.
Etait-ce toi que tu voyais quand tu me tuais du regard ?
Est-ce moi que je tue quand je regarde le temps te soumettre ?
Aura-t-il seulement ta peau ?
Le chiendent a la vie dure dit-on…
Pourtant j’ai peur…
Peur que ces combats n’aient pas de fin.
Que quand l’une de nous disparaîtra, l’autre s’éteigne à son tour
Rongée de regrets,
Pétrie de remords…
Alors je reste assise sur la distance…
Ce bouclier qui me protège de mes propres sarcasmes
Et des tiens, incandescents…
Je referme encore une fois l’enveloppe.
Sans la cacheter.