Les vautours

Quand la violence se fait liquide et vient noircir des lignes, des veines fantômes au derme de pages mortes…

On peut sentir, nous, du bout de nos doigts de plumes, les regards faméliques qui s’abreuvent à ses rivières d’angoisses.

On sait ce qu’ils attendent. Les tracés dangereux qui vomissent les cauchemars en cinémascope. Ces trucages verbaux qui piquent les entrailles endormies. Qui remuent les chairs tièdes pour réveiller le doute.

Et on donne. On répand ces souffrances mutantes, antiquités intimes, difformités affectives que le temps travesti. On sème, graine après graine, les images typographiques de la douleur ordinaire d’une vie en transit. On crucifie le bonheur par dépit. On se vaccine contre la douceur, cette maladie honteuse et fourbe qui nous dépasse. Et on réinvente la cruauté sous toutes ses formes polychromes et dissonantes.

Un titre bien senti, comme un harpon rouillé lancé dans une foule ; Et au retour, mille yeux avides de s’avilir les sens, s’accrochent, aveuglés…

Et l’on s’écartèle l’âme chaque nuit davantage. Pour nourrir ce lectorat infâme qui s’abreuve à nos cascades de larmes chaudes. A nos torrents de haines glaciales… Sur l’autel du talent, on sacrifierait le temps s’il ne nous échappait constamment. Alors on se contente de s’empaler le cœur aux pics des flatteries flamboyantes que défèquent les vautours. Eux qui n’ont qu’à attendre qu’on leur livre la lie de nos travers humains. Ce fiel informulable aux becs des oiseaux de proie. Ces assoiffés d’horreur, ces parasites du Mal. Ceux qui réclament et engloutissent avec délectation les ténèbres dont on tente de se libérer. En écrivant…



31/03/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 17 autres membres