Ne rien en dire

Je ne peux pas parler de ça.

Parce qu'en parler c'est ouvrir une brèche dans la muraille. Une fissure par où s'engouffrera le mal, avide qu'il est de toujours tout envahir. Je connais son étreinte violente, glacée ; elle me renvoie à tant de souvenirs muets, à tant de sensations hurlantes. Celles d'hier ne ressemble pas à celles d'aujourd'hui mais leur morsure n'en est pas moins affreuse. Leurs dents de vieil acier tranchent net, labourent profondément le moindre instant de paix. Elles dévorent, déchirent, ingèrent et mâchent le bonheur pour aller le vomir sur nos cœurs fatigués. Lui qui s'entête là-haut, qui bat froid les secondes et les heures sans sommeil. Comme une pompe à douleurs, il charrie les chagrins, les renvoient à nos veines plus lourds encore qu'avant. Circulation maligne de tout ce que je garde, hermétiquement close face aux mains qui se tendent ; je pétrifie ma vie pour y tenir debout encore assez longtemps. Juste assez pour savoir jusqu'où ira la nuit. Pour voir si finalement, le jour se lèvera de ce côté du monde. Là où je me tiens dressée comme une falaise abrupte, les pieds rongés par un ressac acide…Et s'il faut que je sombre, que mon corps m'abandonne, restera ce visage que j'oppose aux tempêtes. Comme un masque de pierre que rien ne vient troubler. Sans sourire et sans larme, je ferais face encore. Je garderais pour moi toute l'érosion des jours, m'asphyxierais l'esprit de ce spleen récurent. Et les yeux grands ouverts j'observerais encore toute la lâcheté de l'aube qui tarde à colorer l'espoir que je lui voue. Mais ça, je ne peux en parler…



15/01/2010
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