Prendre le vent
Avoir cent ans entre deux mondes.
Entre l’effroi et le désir,
Quand le corps ne sait plus de quel côté tomber ;
Sentir le feu qui couve, entêté, sous le cuir,
Et l’étouffer lentement sous des fagots de rides…
Mais en secret encore, s’accrocher aux regards,
Aux reliefs juvéniles qui soufflent sur nos braises ;
Les dévorer de loin, à l’autre bout de l’âge,
En inventant l’histoire,
L’inavouable équation,
Qui rétabli en rêve l’égalité des sens,
Et qui dénonce, muet, l’iniquité des ans.
Faire glisser le sépia de ma peau argentique
Sur tes pixels fauves aux courbes lumineuses…
Oublier que le temps aime à brouiller les pistes,
Et compter à rebours les pleins et les déliés
Sur nos doigts en cavale et nos pores faméliques.
Ce soir tu es le vent, évanescent, sans âge,
Et je suis ce nuage que ton souffle modèle…
Au tonnerre de tes reins je me démultiplie,
Pour renaître à l’envi,
Nouvelle,
Réanimée.