Arrêt au pore
Arrêt au pore
Je voulais écrire de la poésie,
Mettre ma vie en musique sans en entonner l’air.
Alors j’ai écouté, j’ai regardé et bien retenu les leçons données par mes pairs…
Alexandrin doit avoir douze pieds pour marcher droit et fier ?
Alors j’ai compté et j’en ai fait des pieds et des mains,
Parfois heureuses, souvent foireuses ;
Le poker véreux des vers heureux voyait mon jeu à chaque tour…
Mais je remettais le couvert,
Grattant le papier entre deux verres,
Mouillant la chemise, la veste et ses revers ;
Courant de Naples à Vancouver,
Certains me susurrant : »Va ! Persévère ! »,
D’autres me reluquant de travers.
Les puristes en soutanes sévères,
Me fustigeaient à mots couverts.
Je me noyais au fond des verres
Des cabarets en mal d’hivers…
J’ai donc arrêté de courir après la divine poésie.
Car je n’avais pu concilier métrique et dyscalculie.
Aussi je laisse les mots courir au long des secondes de ma vie ;
En vrac, parfois, en prose libre ou en sanscrit…
Je suis un radeau gris médusé dans le brouillard ;
Je ne peux que rejoindre le pore qui suinte sa liberté sur le derme tourmenté d’un océan de règles…
Les ports ne m’intéressent pas, ils sentent le poisson mort ;
Et je préfère le poison qui tue les vivants.